La mairie d’Amsterdam vient d’annoncer de nouvelles fermetures de coffees shops dans le centre urbain de la ville, au sein du fameux Red Light District. Un long projet de rénovation débute dans ce quartier en proie à une forte criminalité, les développements seront concentrés autour de points stratégiques et entraîneront donc la fermeture maximum de 26 coffees shops. Rosendaal et Bergen op Zoom, les deux communes néerlandaises les plus proches de la frontière belge ont vu aussi disparaître dernièrement les 8 coffees shops qui faisaient la joie des touristes français et belges.
Il faut remonter à la fin des années 60 pour comprendre l’attitude tolérante des Pays-Bas à l’égard de la consommation des drogues douces. A l’époque, cette politique visait à distinguer les usagers de cannabis et de haschich, des trafiquants de drogues dures dès lors marginalisés et plus facilement appréhendés. Un programme d’échange de seringues propres protégeait aussi les drogués eux-mêmes. Depuis 1976, les coffees shops sont tolérés et donnent aux Pays-Bas l’allure d’un pays en avance sur ses voisins européens, affichant un modèle de tolérance jusque là inégalé et attirant chaque semaine un nombre impressionnant de touristes.
Sous la pression internationale et face au développement d’un marché criminel parallèle, une politique plus répressive se met en place. Depuis 1996, les coffees shops doivent respecter 5 règles strictes sous peine de fermeture: interdiction de vendre des drogues dures ou chimiques, pas de messages publicitaires, respect de l’ordre public, interdiction de vente aux mineurs, pas plus de 5 g à chaque transaction et enfin un stock réglementé à 500 g. L’alcool ne peut plus être consommé ni vendu dans ces établissements depuis 2007. Encore très récemment, les coffees shops se trouvant à moins de 250 mètres d’un établissement scolaire devront fermer d’ici 2 ans. Enfin, depuis l’interdiction de fumer dans les lieux publics, une loi en application depuis le 1er juillet 2008 aux Pays-Bas, les joints ne peuvent plus être consommés avec du tabac, ne restent donc plus que les fumeurs de joints ‘purs.’
Direction Amsterdam, «les débats sont ouverts, et rien n’est encore décidé, se rassure John Foster, propriétaire d’un coffe shop toujours très animé, à deux pas de la fameuse place Dam, mais c’est vrai que l’atmosphère est menaçante. Le conservatisme revient vraiment à grands pas dans les mentalités.»
Il serait intéressant de se demander comment aurait évolué la politique des Pays-Bas avec une démarche tolérante similaire de ses voisins français, belges et allemands. Si les 800 établissements permettant de fumer un joint en Hollande existaient aussi en France, en Belgique et en Allemagne, le constat d’échec sous jacent dans les discussions, aurait-il été le même ? Finalement, le problème n’est-il pas dans les débordements que de telles libertés ont provoqués dans les pays voisins, menant à l’inverse une politique hautement répressive et refusant de tester une ouverture ‘vers la bonne direction’ pour une part importante de leur population ? Le marché criminel européen aurait-il pu être contenu par une action commune ? Le dernier observatoire européen des drogues et des toxicomanies avait publié une enquête mettant en avant la consommation de cannabis très réduite des jeunes néerlandais.
L’objectif maintenant affiché du gouvernement néerlandais est d’empêcher le ‘tourisme cannabique’ comme on l’appelle. L’annonce a été retentissante puisqu’il s’agirait de refuser l’entrée des coffees shop dans les principales agglomérations aux touristes étrangers et ceci dès la fin de l’année 2011. Les Coffees shop ressembleront à des sortes de clubs privés, avec pas plus de 1500 membres et réservés aux seuls résidents néerlandais. Ils seront identifiés grâce à leur papier d’identité.
Les Pays-Bas sont maintenant en marche vers une nouvelle phase de leur histoire avec un retour à des valeurs plus traditionalistes. Dans 30 ans, les touristes de 20 ans sauront-ils qu’à Amsterdam les prostituées étaient en vitrines et que fumer un joint dans un café appelé coffees shop était autorisé par la loi ?
Sonia Johnson.