Le malaise,
Je croyais l’instant propice. Je venais de manger goulûment trois moignons de poulet. Agrémentés de deux cuillères d’épinards à la crème surgelés. Dîner ingurgité, dernière clope aspirée. Tranquille sereine. Les délices du futur à venir.
Appartement silencieux. J’ai déambulé jusqu’à la salle de bain. Y ai allumé le petit poste radio. Il crachouillait. Inaudible. J’ai tourné la mollette. Je ne captais rien. Enfin, une voix, agréable, s’est engouffrée dans mes oreilles. Ne plus toucher à rien. C’est l’heure du bain.
Vérification sommaire de l’équipement de base. Peignoir en place, fenêtre fermée (fait froid le soir). Je me suis enfin glissée, nue, derrière le rideau de douche.
J’me voyais déjà…fredonner sous la douche. Savonner en musique. Dans un épais nuage de vapeur. Cheveux lourds, plaqués dans le dos. Odeur sucrée du savon au lait d’avoine, douceur crémeuse. Le shampoing glissant vers le creu des reins. L’extase !
Oui mais voilà. Mon choix radiophonique n’est pas le bon. Et j’en prends pleinement conscience à l’instant où mes mains se mettent à malaxer mon cuir chevelu. Du savon dans le nez, les oreilles farcies au shampoing. Prise au piège.
Incapable de tendre le bras, de bondir hors du bac. Impossible de bouger. Dans un soupir désespéré, j’ai laissé faire Francis Lalane. Il chantait « Pense à moi comme je t’aime ». Après ? Je ne me souviens plus de rien. Lola.