Le bourgmestre de la ville de Rotterdam, Ahmed Aboutaleb a 54 ans, le même âge que le président des Etats-Unis, Barack Obama. Comme lui, il est entré en fonctions en janvier 2009. En 2014, nommé par décret royal, Ahmed Aboutaleb a entamé un deuxième mandat de six ans. Pour la première fois dans l’histoire des Pays-Bas, une ville – la deuxième plus importante du pays – est dirigée par un maire musulman d’origine marocaine.
Le parcours de ce fils d’imam est exemplaire : après être arrivé du Maroc à 15 ans, il a immédiatement appris le Néerlandais, étudié dans les systèmes de télécommunications et travaillé à la télévision. Membre du Partij van de Arbeid (Parti travailliste, PvdA), il devient porte-parole ministériel, conseiller municipal de la ville d’Amsterdam puis secrétaire d’Etat aux Affaires sociales dans le gouvernement Balkenende IV, en 2007.
On ne peut pas être djihadiste et rester néerlandais
L’homme avait déjà fait parler de lui trois ans plus tôt, en 2004, après le meurtre par un islamiste du cinéaste Théo Van Gogh – réalisateur du film ‘Submission’, très hostile à l’islam. Ahmed Aboutaleb endosse déjà un rôle de médiateur, en appelle à la citoyenneté et prône le retour au calme. Il adopte ensuite une position très ferme, en invitant les musulmans extrémistes à s’exiler. Ses propos franchissent les frontières après les attentats de Paris, contre ‘Charlie Hebdo’ et le supermarché Hyper Cacher qui ont secoué la France en Janvier 2015. Ahmed Aboutaleb tient un discours sans concessions : si un musulman est candidat au djihad, c’est son problème, défend-il. Mais avant de partir, il devrait rendre son passeport néerlandais et être empêché de revenir ensuite aux Pays-Bas.
Le regard pétillant, la poignée de main franche et la stature droite, Ahmed Aboutaleb est très ouvert à la discussion. Et le maire prend le temps de débattre, d’organiser des réunions avec les Rotterdamois, de mettre en place des projets multiples, de se rendre sur place dès qu’un évènement social secoue sa ville. Il étaie ses arguments à partir de son parcours. Difficile. Semé d’embûches. Mais aussi par son quotidien de bourgmestre musulman, dans une ville multiculturelle, où se côtoient 174 nationalités différentes. « Je suis plus néerlandais que certains de mes assistants quand il s’agit de respecter les lois, de les connaître, quand il s’agit de la langue néerlandaise », commence t-il à expliquer. «Mais cela ne veut pas dire que je dois oublier d’être un musulman. Je peux porter des vêtements marocains quand je suis chez moi, ou célébrer la fin du ramadan. Ces actes sont individuels et liés à la manière dont je veux vivre ma vie ».
La loi prime sur la religion
Il établit une claire distinction entre la vie privée et la vie publique. « La manière d’interagir dans un lieu public doit obéir à des lois. On ne peut pas dire que notre religion nous autorise à violenter notre femme quand la loi interdit de violenter qui que ce soit. » L’homme est entier, il aime le débat, la transparence et n’hésite pas à parler de sujets comme le racisme, la discrimination, la tolérance ou encore la victimisation. Mais plus que tout, il excelle en politique et dans sa ville, n’hésite jamais à mettre la sienne en pratique.
Ahmed Aboutaleb fait de l’éducation sa priorité. La population de Rotterdam est la plus jeune des Pays-Bas et une des plus jeunes d’Europe, avec plus de 30% de moins de 30 ans. Rotterdam ne peut se résumer aux altercations fréquemment rapportées dans la presse entre police et jeunes ou encore entre habitants et jeunes. Car jamais autant d’actions n’ont été entreprises pour proposer, innover, aller vers les jeunes et tenter de combattre les troubles sociaux qui leur sont liés. Rotterdam fut en 2009 la première Capitale Européenne de la jeunesse, une initiative de la communauté Européenne pour les encourager à participer à la vie de leur société et avoir une approche commune de leur évolution. Il était impressionnant de constater que quand la ville se met au service des jeunes, ces derniers savent l’investir.
Un destin national ?
Aux Pays-Bas, le maire de Rotterdam fait l’unanimité et devient cette année le politicien néerlandais le plus apprécié du royaume, laissant Geert Wilders, leader de l’islamophobe PVV (Partij voor de Vrijheid, Parti pour la Liberté) dernier du classement de l’institut Kieskompas. Il est permis de se demander si Ahmed Aboutaleb tentera un jour d’accéder à la tête du gouvernement.
Portrait publié par La Libre Belgique.