Ma chère maman,
Comment vas-tu là-haut ? Je me rassure en me disant que tu as dû trouver le coin des artistes et que De Staël et Odilon Redon te donnent des conseils. (“Attention à la manière dont tu manies le pinceau. Et tu devrais essayer cette technique. Et puis Jany entre nous, tes tableaux, surtout ceux qui s’inspirent de mon œuvre sont magiques“). Nous ici, ça va mais tu laisses un vide maman. Un gouffre même. Dur de reprendre une vie normale quand celle qui te l’a donné disparaît devant toi. C’est pourtant ce que j’essaie de faire depuis deux mois, mais le cœur n’y est pas. Il est brisé et bien trop occupé à essayer de battre malgré les fissures. Fatigue constante, sourire discret, rétine humide, prête à lâcher les larmes à tout moment… J’ai même mes lunettes de soleil à portée de main, de jour comme de nuit, histoire de les cacher, ces yeux mouillés qui n’en font qu’à leur tête. Le pompon, au taf j’ai même explosé en sanglot en regardant le dernier clip de la Sexion d’Assault. Tout ce qui parle des mamans ou me rappelle tes derniers jours me donne la chair de poule. Mais ça va s’atténuer petit à petit j’imagine… Et puis depuis que je suis retournée à New York, la vie est bien différente sans toi. Plus de Skype quotidien, plus de shopping, taille 38, rayon maman stylée. A la place ce grand rien… Mais aussi la sensation d’avoir une bonne étoile qui voltige au dessus de ma tête de jour comme de nuit. Je te sens là malgré tout, là, dans l’empire state of my mind.
Y’a pas mal de trucs à New York qui m’ont manqués pendant mon séjour en France… Cinq mois loin de la Grosse Pomme et beaucoup de temps pour penser… Alors dans mon Blackberry j’avais un brouillon ouvert dans lequel j’écrivais des mots clés. Des mots qui représentent les trucs que j’aime à NYC. Curly fries de 67 Burger à Fort Greene ; séries tv en pagaille ; Netflix, Hulu et abc.go.com ; cafés et thés à emporter à tous les coins de rues ; taxis pas chers ; baskets pas chères; sapes pas chères ; DSW ; Macy’s Brooklyn ; Zacky’s ; le Spice Market restaurant ; Carolina du spa en bas d’chez moi qui me fait les ongles et les sourcils pour 22,5 dollars ; la presse people que je feuillette à la caisse du supermarché pendant que je fais les courses ; les concerts incroyables des clubs miteux ; l’originalité ; la créativité ; la sensation d’être dans un film dès que je sors de chez moi ; la possibilité d’être à la mer en quelques stations de métro, et d’être à Miami en 3h et 200 dollars ; pouvoir m’habiller comme je veux ; avoir des options végétariennes dans tous les restos ; le hot yoga du gym ‘Crunch’ ; les footings du dimanche à Prospect Park ; mon quartier (Brooklyn, Fort Greene, que tu kiffes tant) et mes commerçants de proximité, surtout ma petite épicière qui me fait toujours des prix et me donne des chocolats ; ‘Rice to Riches’, ‘Ceci Cela’ et ‘Eileen cheesecake’ à côté de mon bureau à Soho ; les apéros des French geeks mensuels ; mes amis chéris, Français, Américains, Africains, New-yorkais, Brooklynites ; les sourires sur les visages, tout le temps et cet état d’esprit ‘we the best’ constant qui tire vers le haut… L’empire state of mind quoi.
En fait, New York sans toi c’est bizarre. Et les trucs qui me manquent le plus ici sont désormais irréalisables… T’appeler sur Skype trois fois par jour pour te raconter des bêtises. Voir des choses fabuleuses, les prendre en photo et te les envoyer. Écrire des articles pour mon blog et écouter ton avis sur la question. Nos fous-rires malgré la distance. Notre complicité ineffable. Notre amour inégalable. Dans ce nouveau monde sans toi, tout me semble plus fade. Et j’ai beau m’appliquer à profiter de toutes les choses listées ci-dessus, ça n’a pas le même goût. Ouais, pas même les curly fries. New York ne sera plus jamais pareil. Alors si tu t’ennuies là-haut, chausse tes Adidas, oui, celles que je t’ai ramenées la dernière fois et viens avec moi. Et puis n’oublie pas que dans Jany, y’a NY, et rien que ça, ça fait de toi la plus cainri des mamans.
The travelin’Girl
Ma chère Mériem,
La peur était là quand nous avions partagé ces heures précieuses ensemble cet hiver. Et puis la peur s’est confirmée, Jany l’artiste, ta maman à toi est donc partie. Au nom de toute l’équipe de TdF, je souhaitais t’adresser mes sincères condoléances. Je sais que tu reviendras encore plus forte… riche de cette énergie pour la vie transmise par ta maman. Des pensées émues à elle, à toi. Sonia.
Mériem, mes yeux aussi sont mouillés, car ce que vous nous faites partager est très émouvant. L’amour qui vous relie à votre maman est indestructible et vous serez en communion avec elle à tous les moments de votre vie. Soyez en sûre, et cela vous donnera la force de vivre ces moments si pénibles de l’absence. Je vous embrasse.
Jeanne