J’ai assisté hier soir à la Première de ‘Pieds Nus sur les limaces’ à Amsterdam, adaptation cinématographique (Quinzaine des réalisateurs au Film Festival Cannes 2010), du roman de Fabienne Berthaud paru en 2004. En écrivant le scénario et en sortant parfois de l’atmosphère du livre (décrit comme sombre), Fabienne Berthaud savait que l’auteur jamais ne pourrait la contredire, elle s’en amusait.
A l’affiche de son second long métrage, Diane Kruger et Ludivine Sagnier qui ne peuvent que finir amies après cette expérience.
Lily, sans âge mais plus de 18 ans et moins de 30 ans, n’est ni trop folle ni tout à fait normale. A la perte brutale de sa mère, elle veut juste continuer sa vie, entre rires, engloutissements de nourriture, roulades dans l’herbe, baignades toute nue et passion pour tout ce qui touche aux bestioles et à leurs poils (lapins, dindons, écureuils, chats, souris, de préférence morts).
Mais Lily ne peut être autonome et pour Clara, sa grande sœur, la disparition de leur maman laisse place à une toute autre réalité. Elle doit la remplacer et assister au quotidien sa sœur dans ses multiples bêtises. Son couple, même avec un mari très compréhensif (Denis Menochet) est mis en danger et elle quitte son travail.
On est plongée dans la découverte de ces deux personnalités fusionnelles et magnifiquement fraternelles, à cet instant T de leur vie et sans savoir jusqu’à la fin, qui aura le plus d’emprise sur l’autre. On échappe de près à deux scènes de meurtre et de viol qui auraient pu être mémorables. Fabienne Berthaud aime juste jouer avec nos peurs et nos certitudes.
Elle a bien choisi sa voie. Il aurait été si dommage de brider cette imagination débordante, de ne pas visiter aussi le monde qu’elle tente d’explorer, d’abord dans son premier long métrage, ‘Franckie’ (Diane Kruger était aussi à l’affiche de ce film réalisé ‘presque à deux’), puis dans cette adaptation libre de son roman.
Fabienne Berthaud est attirée par ‘cette frontière de la normalité que l’on peut tous franchir un jour’. Cette presque folie, quand les règles imposées par la société sautent d’un seul coup et que seules les passions comptent. A ce moment là, dans ce monde là, voilà ce que nous propose cette réalisatrice : la liberté, la fusion avec la nature, le dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Mais aussi la dépendance et la fragilité, spécialement en tant que femme, car on ne peut oublier cette déclaration de Lily ‘moi j’ai un corps c’est pour m’en servir, sinon pourquoi j’en aurai un?’ après avoir batifolé avec 3 ados pubères. Et c’est à ce moment là qu’il faut vraiment s’évader avec elle et se dire que oui, c’est bien du cinéma.
Non, il ne faut pas se poser trop de questions en sortant de ce film, ces questions qui toucheraient au sens même de l’histoire, si loin justement de nos codes de société. L’envolée du spectateur (la perruque improvisée de Lily dans la cuisine est si drôle), ne se fera qu’à ce prix du lâcher prise.
Sonia Johnson.