Ce débat entre Sonia Johnson et Chiara Gerlich a été lancé en février dernier pour préparer la Journée internationale de la Femme, une journée spéciale pour nous car nous célébrons les femmes sur notre plate-forme, mais également parce que c’est le 7ème anniversaire de ‘Tonalités de Femmes’ (TdF).
Sonia Johnson : Aujourd’hui, j’ai envie de dire que je n’utilise pas le mot féministe me concernant mais que j’aime les femmes dans toutes leurs richesses. J’ai grandi avec 3 frères qui ont partagé avec moi toutes les tâches quotidiennes à la maison, avec un modèle de maman parfaite dans tous les domaines (une féministe). Je suis par ailleurs dans un couple riche d’une égalité bien équilibrée et j’ai toujours décidé de la direction à donner à ma carrière.
Dans l’Europe du 21ème siècle, une femme peut être libre de ses choix, une femme peut s’instruire, travailler, voter, se protéger sexuellement, avoir accès à la contraception et décider de devenir mère ou non. Une femme peut aussi adopter et se marier avec une autre femme. Pour toutes ces révolutions, pour toutes ces avancées essentielles dans l’histoire des femmes occidentales, je suis admirative des féministes des époques passées.
Chiara Gerlich : ‘Tonalités de Femmes’ confirme que tu avais déjà une certitude et une grande confiance envers les femmes ?
Sonia Johnson : Oui, avec TdF, j’ai eu envie de faire confiance aux femmes en général et aux femmes que je rencontre en particulier. Tout simplement parce que j’ai foi en elles, en leur jugement, en leurs actions.
Chiara Gerlich : Pour toi, quels sont les principaux problèmes auxquels on doit faire face en tant que femmes ?
Sonia Johnson : Ce n’est pas facile d’accéder aux plus hauts grades, de se confronter au machisme perpétuel de ses collègues, de concilier vie professionnelle et vie personnelle mais chacune d’entre nous mène ses combats avec courage et à votre contact depuis 2010, je reste dans le désir de mettre les femmes en lumière, tout en écoutant et exposant leurs revendications.
Chère Chiara, je sens une colère, une frustration, un féminisme ancré en toi, qu’en est-il exactement ?
Chiara Gerlich : Merci Sonia ! Merci pour cette question qui m’est adressée. En effet, il y a une frustration et une colère en moi, que je ressens au plus profond de moi à l’instant même où j’écris. J’attends avec impatience d’explorer cela davantage pendant notre débat ici. Comme je suis convaincue que la lutte pour l’égalité entre les sexes n’est pas terminée, je me présente comme féministe et je crois que c’est un mot dont nous avons malheureusement encore besoin.
Je comprends les problèmes que soulèvent le mot féminisme, associé en partie à une forme de stigmatisation. Ce n’est pas un terme populaire ou amical à utiliser pour soi-même, car il souligne l’oppression, peut sembler rebelle et s’oppose au statu quo. Certains peuvent même le percevoir comme agressif. De plus, il est considéré comme un terme qui divise, désignant les hommes comme les méchants et les femmes comme les victimes. Cette appréhension est bien entendu totalement inutile, car elle détourne l’attention du vrai sujet des femmes, les hommes se sentent finalement blâmés pour les inégalités structurelles pour lesquelles ils ne sont pas responsable en tant qu’individus. En outre, les hommes peuvent aussi être vus comme des victimes du monde dans lequel nous vivons. Ils peuvent être ou se sentir limités dans leurs possibilités et leur expression personnelle.
Sonia Johnson : Tes nombreuses expériences à l’étranger et le long chemin que tu as parcouru sur le plan personnel, donnent aussi, je suppose, de l’importance à ce mot ?
Chiara Gerlich : En effet. Dans le même temps, je comprends aussi l’hésitation à utiliser ce terme, mais je crois cependant qu’il est de notre responsabilité de bien appréhender les inégalités structurelles et systématiques auxquelles les femmes sont confrontées dans la vie publique, au sein de la famille et sur leur lieu de travail. Les inégalités auxquelles nous sommes confrontées, c’est ce que nous révélons et mettons en évidence en tant que féministes.
Pour toi Sonia, le problème du terme féminisme, résulte peut-être du fait que tu ne trouves pas utile de mettre un nom sur les luttes que tu mentionnes, comme être confrontée au machisme ou concilier vie professionnelle et vie privée ?
Sonia Johnson : Oui, tu as raison, ces luttes ne me semblent pas en accord avec le féminisme moderne de groupes de femmes revendicatives et parfois agressives. Parce que je crois fermement qu’au 21ème siècle, les femmes gagneront tous leurs combats, dont ceux contre la violence domestique et la précarité. Et que leur force et leur faiblesse est aussi celle des hommes. Demain, le féminin et le masculin interagiront partout et tout le temps. Les codes perdront leur sens, une fille pourra jouer au foot, un garçon devenir infirmier sans que cela ne choque. Alors pourquoi faire des groupes d’opposition ? Et avant tout, les hommes qui seront acteurs de ces secteurs machistes, peu encore enclins à appliquer la loi sur l’égalité des salaires, ouverts aux blagues sexistes, finalement so old school, et bien ces hommes seront nos garçons. J’en déclare deux à la maison. Nous éduquons nos enfants en donnant le reflet de cette société en mouvement. Et c’est en cette force que je crois.
“Oui je pense aussi que le mot féminisme peut-être clivant dans la société d’aujourd’hui, car il revêt plusieurs réalités différentes et n’est pas forcément compris par chacun de la même façon. Il est par ailleurs souvent connoté négativement, pour décrire une sorte de lutte armée des femmes pour exister, sans nuances. Le contexte historique est important aussi, oui. Pour moi le combat des femmes doit être une attitude, une manière d’être appuyée par des actions, mais il ne doit pas forcément être étiqueté au risque de mauvaise interprétation.”
“Je soutiens l’association ‘Ni Putes, ni Soumises'”
I have proudly read your International Women’s Day with great joy. Congratulations, do keep it up.
Je travaille beaucoup pour ma famille. Je n’ai jamais eu l’occasion de me poser ces questions sur le féminisme. Ce que je sais, c’est que si j’assiste à un conflit entre un homme et une femme, j’aiderai instinctivement la femme. En Moldavie, la journée de la Femme est créée pour lui rendre hommage, alors on offre un cadeau à sa grand-mère, sa mère ou sa femme.