Lumière sur une Femme de coeur, Fériel Berraies Guigny

TdF : Bonjour Fériel et bienvenue dans ‘Tonalités de Femmes’, parlez nous de vos engagements : pour le droit des femmes tout d’abord et aussi pour le développement du continent africain par la promotion de son savoir faire culturel ?

Je pense qu’’il convient de distinguer les engagements que l’on porte qui peuvent être appréciés par leurs valeurs morales, humanistes ou universelles, et la façon dont on les porte. J’ai la chance, de par mon métier de pouvoir diffuser des messages, faire s’exprimer ceux à qui on ne donne que trop rarement la parole, promouvoir une éthique, une vision humaine et culturelle du monde faite de différence et de partage. J’essaye avec mes modestes moyens de diffuser des messages dans un monde de plus en plus déshumanisé. Il m’arrive parfois de pleurer d’impuissance et de rage, mais en général cela ne dure pas trop longtemps, mon tempérament volcanique reprends vite le dessus. D’ailleurs, avons nous vraiment le choix avec tous les défis qui nous attendent aujourd’hui?

Ces engagements sont le reflet d’un cheminement personnel, d’une réflexion et d’une éducation qui m’ont conduit à faire des choix importants dans ma vie. J’aurais pu faire carrière et avoir une activité professionnelle qui se serait traduite par une reconnaissance et une aisance financière qu’’aujourd’hui ne n’ai pas. J’ai sans hésitation fait le choix de me consacrer à un combat que je trouve encore plus essentiel depuis que j’ai des enfants, à savoir la promotion de la femme dans la société et la diffusion de la culture en essayant de prouver que les différences nous rapprochent.

Par tempérament, par éducation, la femme soumise et le cliché de la femme arabe qui attend gentiment trop peu pour moi !!!! c’est le temps des Femmes et il faut se bouger, il ne faut plus être spectatrice de notre destin. J’ai bien entendu conscience de n’être que bien peu de choses face à la difficulté de mes combats et toutes ces femmes qui sont dans l’ombre et qui souffrent. Je suis leur portevoix, je leur donne l’espace pour s’exprimer à travers mes interventions, mes articles, mon réseau. Je veux que l’on comprenne que la condition de la femme reflétera ce que sera notre monde. Il faut la protéger, il faut la respecter et il faut arrêter ces déterminismes socioculturels et religieux qui veulent la bâillonner.
Et puis il y a la diffusion de la culture, la préservation du patrimoine identitaire des peuples. Et à travers l’association que j’ai créée, United Fashion For Peace, j’essaye de défendre, de promouvoir les artistes et artisans de la mode, les savoir-faire culturels, les identités. C’est également un combat difficile qui se trouve souvent confronté au pragmatisme à court terme à la fois des politiques et des entreprises qui pourraient nous soutenir.

J’espère qu’ un jour, les dirigeants du monde qui tous nous ont emmenés sur le chemin de la mondialisation à marche forcée, prendront conscience que ce qui reste in fine d’une civilisation, d’une société, c’est l’art et la culture. Et que le soutien d’initiatives telles que la mienne vaut bien d’y consacrer quelques ressources.

TdF : Racontez nous un peu votre enfance, où avez-vous grandi et quelles sont les valeurs qui vous ont été transmises par votre éducation ?

J’ai grandi sevrée par la diplomatie, le protocole, j’ai vu défiler les plus grandes personnalités politiques de ma région alors que j’étais enfant. J’ai grandi dans les plus belles Ambassades de mon pays d’origine dans l’ombre écrasante d’un père que j’admire encore aujourd’hui pour son éthique et son amour de la patrie. Mais très jeune j’étais rebelle, je déconcertais beaucoup mon entourage, ne voulant pas toujours se conformer à l’étiquette, une fille de diplomate pas trop diplomate en quelque sorte…. aujourd’hui mon papa est très fier, même s’il ne sait pas toujours l’exprimer. Je suis le pur produit familial, on dit souvent que je suis mon père au féminin ! une fille vous savez elle ne coupe jamais le cordon avec son papa !

J’ai sans doute moins appris de ma mère, qui a eu un rôle pourtant considérable, ce qui est souvent le cas des femmes d’ambassadeurs qui sont tout à tour au four, au moulin et en représentation lors des multiples manifestations organisées par l’ambassade. Mais disons que je ne suis ni très cordon bleu, ni très « femme d’intérieur ».

Et puis j’ai eu cette chance de côtoyer depuis ma plus tendre enfance, des cultures, des religions, des gens différents. C’est une ouverture au monde qui marque de façon indélébile. Ma prédisposition au respect et à l’acceptation des différences vient sans aucun doute de là. C’est une richesse que je veux faire partager.

TdF : Fériel, vous investissez beaucoup de temps et d’argent pour promouvoir vos idées de paix, de tolérance et de dialogue entre les peuples, qu’est ce qui motive au quotidien la femme engagée que vous êtes devenue ?

Je l’ai toujours été cela coule dans mes veines et cela sans le savoir ! Feriel en arabe je l’ai découvert il y a seulement trois ans est l’équivalent de Norma/norme ou justice ! je peux dire que cela coule de source naturelle ; les femmes tunisiennes dans l’histoire sont des battantes et des combattantes : Elyssa Didon Reine de Carthage, la Kahena et tant d’autres… déterminisme social, personnalité, histoire, parcours atypique, envie de refuser l’ordre établi quand il est injuste, je pense que je suis une révoltée, une rebelle par nature… la criminologie, la diplomatie, le mannequinat, l’Associatif , j’ai utilisé toutes ces armes pour défendre la voix des opprimés et cette éthique qui est si chère à mes yeux ! mais j’assume ; de toute façon par nature je ne suis pas consensuelle, je suis beaucoup dans le contraste, même si avec les épreuves et le temps, j’ai appris à mettre de l’eau dans mon vin ! je suis une humaniste laïque, une universaliste, c’est dans mes gènes.

TdF : L’univers de la mode vous est familier, quelles en sont les ressources cachées ?

J’ai beaucoup flirté avec sans vraiment l’embrasser en totalité, c’est tellement paradoxal de faire dans le cérébral pour ensuite exercer un métier qui est plus dans le paraître et moins dans l’être. Mais même cela, je l’ai commencé très jeune au Canada puis l’ai abandonné pourtant promise à une carrière, après avoir été repérée par Richard Desmarais grand photographe de mode à Ottawa puis la grande agence montréalaise Giovanni qui avait fini par me cataloguer comme eurasienne car trop typée. De là n’y avait plus qu’un pas pour Milan et le reste du Monde. Mais je faisais mes études de criminologie, mon père était ambassadeur de Tunisie à Ottawa et j’avais peur de nuire à sa carrière. Je lui ai caché ma vie artistique, un jour il est tombé sur mon book avec une photo trop sexy pour la marque Esprit. A l’époque je faisais des tests et là arrive une bonne altercation et un stop à ma carrière naissante, mais sans regrets, je pense avoir fait le bon choix. J’ai repris ma carrière bien plus tard, par accident étant trentenaire pour faire le pied de nez aux anorexiques pubères et démontrer que les femmes de trente ans ont aussi des ressources !!! et j’ai fait les plus grands magazines du monde arabe : c’était un défi, sans plus, je ne capitalisais jamais sur tout ceci.

Aujourd’hui, j’ai une passion pour la mode je suis consultante et experte en la matière ayant programmé pas mal d’événements sur le Continent Africain. Mais je fonctionne au coup de cœur, jamais de business, du reste cela fait que je suis une éternelle fauchée et votre question en dessous me fait bien rire, je suis riche de mes initiatives et non de par mes comptes en banque !

TdF : Que reste t-il à faire pour les femmes ?

Nous sommes toutes dans un même combat, parité, égalité, reconnaissance, éthique. Nous voulons moins d’injustice, plus de représentativité à notre juste valeur. Et pour cela il nous faut être solidaires et penser plus à ce qui nous rapproche et moins à ce qui nous différencie ; culture, religion, condition sociale, tout cela n’est que détails si nous regardons bien. Nous avons les mêmes espoirs pour notre planète et nos enfants. Donnons nous la main, quand l’une d’entre nous est frappée et tombe à terre, aidons la à se relever. Soyons fières de celles qui sont des « role-models » pour nous car ce sont elles qui vont ouvrir le chemin. Prenons le en toute sérénité ce chemin, en toute confiance et dignité.

4 commentaires pour “Lumière sur une Femme de coeur, Fériel Berraies Guigny”

  1. Marylise le 5/03/2012 à 17:29 Marylise

    Merci Fériel pour ce beau témoignage. Vous êtes très belle et votre cœur l’est tout autant. Vous privilégiez vos valeurs pour le bien de la femme, à une confortable carrière que vous auriez pu avoir. Belle abnégation pour que les femmes soient plus libres en étant plus cultivées. Bravo à TdF pour vous avoir mis en lumière sur son site.

  2. Solene le 15/04/2012 à 01:34 Solene

    Nice post, thanks!

  3. Fadhila le 2/11/2012 à 16:10 Fadhila

    Fériel Berraies Guigny, ambassadrice hors pair pour la cause de la femme Africaine!
    Beau témoignage de coeur plein de sincérité à l’image de la femme qui a tout misé sur son choix de la mode comme support essentiel pour changer les mentalités et la perception de ce métier qui peut être exploité à des fins et des dimensions bien plus humaines en puisant dans les cultures et l’environnement spécifique des pays du continent et ce, dans le respect de la différence. Bravo Madame pour l’illumination de nos coeurs!

  4. BEN RAIES Monji le 14/12/2016 à 02:31 BEN RAIES Monji

    Je partage les mêmes valeurs et mène le même combat pour sauver notre pays qui est actuellement en déroute. la Tunisie va mal et elle a besoin de personnes d’exception comme Fériel Berraies Guigny femme hors pair.
    j’admire!

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