Pourquoi, diable, n’ai-je pas été un…poète ?

– Quels sont vos projets, Cheick Oumar KANTÉ ? Et l’inspiration d’un écrivain comme vous est-elle infinie ?

– Dans l’immédiat, je n’ai pas de projet bien défini. Il faut dire qu’en 2010 et en 2011, ont paru un premier recueil de poèmes et un quatrième roman pour compléter à dix les livres de ma bibliographie, telle qu’elle a été rappelée au début de notre entretien. Alors, je vais pendant un certain temps, peut-être, ménager mes lecteurs dont je suis fier de révéler que ce sont en majorité des lectrices. Des idées de livres, j’en ai toujours quelques-unes. Notées en vrac, elles peuvent, à tout moment, déclencher un type d’écriture ou un autre. À présent, je compte plutôt me consacrer à la rédaction d’articles de journaux sur les pays africains où l’actualité a été chaude pour ne pas dire douloureuse et, de toute évidence, sur la Guinée et sur la France, à un an d’une élection présidentielle lourde de tentations.
Pour ce qui est de l’inspiration, je fais mien l’état d’esprit de Gando dans « À Dongora, coulera à nouveau la rivière » (page 20) :

« (…) [Ce qui déclenche et soutient l’envie d’écrire ?] (…), c’est la vie tout court, dans son train-train quotidien à travers le monde. Avec les joies et les peines procurées par elle. Mais aussi avec les aventures, les mésaventures, les espérances, les déconvenues, les rencontres, les manquements et les concours de circonstance, surprenants, qui la jalonnent. (…) À moins qu’intervienne un élément d’une toute autre nature, pas facile à détecter pour la bonne raison qu’on n’y pense guère ! Une atmosphère, un état d’esprit, une présence, une sensation, une senteur, une ambiance sonore, une voix (…) Une senteur, une voix ? » …
Ainsi l’inspiration d’un écrivain, la mienne en l’occurrence, est-elle infinie ? Oui, il faut l’espérer ! Imprévisible, en tout cas, elle est capable de tirer parti de tout et c’est même à cela qu’on la reconnaît !…

Comment terminer cet échange sans lui redonner, comme à son début, une de ces tonalités féminines, faciles à déceler dans tous mes écrits ?

Deux autres extraits, pour preuves :

Le premier est tiré du recueil de poèmes : « Pourquoi, diable, n’ai-je pas été un … poète ? » (Pages 20 et 21). C’est un passage du texte inspiré par la charge militaire sanglante d’une manifestation de l’opposition guinéenne, événement au cours duquel des viols publics de femmes ont été perpétrés par une horde de soudards. Et, face à l’inqualifiable tragédie, l’auto-promu Chef d’État à l’époque, – un certain capitaine de l’armée, Dadis Camara –, n’en avait été que… désolé !

« Il est…désolé ?
Je suis, au choix
Ou tout à la fois :
Accablé, affligé, bouleversé, brisé, effondré, éploré, endeuillé,
Horrifié, peiné, sidéré, stupéfié !
Soit, pour chaque joueur de foot d’une équipe guinéenne, un état d’âme
Dû à la barbarie de la répression militaire particulière à l’égard des dames.
(…)
Mais, plus que jamais, je suis déterminé
Avec les seules armes qui sont les miennes, les mots,
À mettre des noms exacts sur nos petits et grands maux
À guerroyer contre toutes les brutalités faites hommes.
S’ils méritent toujours et encore qu’ainsi on les nomme,
Les monstres ayant en cette “matrie” dénommée la Guinée,
C’est-à-dire la femme, par qui eux-mêmes en principe sont nés
Violenté, humilié des femmes dans un stade plein comme un œuf
En cette date désormais triplement symbolique du 28 septembre 2009. »


(Note : Le masque sur la couverture est celui de la Déesse Nimba, protectrice de la femme enceinte. Commentaire tout à fait personnel : je ne doute pas, moi, qu’elle veille aussi sur celle qui ne l’est pas encore ou ne peut pas l’être ou ne le veut pas !)

Le second extrait est à retrouver dans le roman : « À Dongora, coulera à nouveau la rivière » (page 263). C’est une réponse d’un des personnages secondaires à la question ironique sur le féminisme jugé coupable du personnage principal, l’écrivain Gando :

« Quid de sa sensibilité de femelle ?
– Avoir celle d’une femme, c’est à n’en pas douter, le plus beau compliment qu’il aimerait recevoir… »

Merci à Sonia Johnson et à toute l’équipe de Tonalités de Femmes pour leur accueil spontané et si généreux sur un Site de facture, à tous égards, professionnelle ! Mon bonheur sera d’autant plus impérissable qu’il a été immense. Et si, par les temps qui courent, mes écrits servent – même un tout petit peu seulement ! – la cause des Femmes et, partant, celle de tous les Humains, je n’en serai que plus heureux.

Cheick Oumar Kanté.

Retrouvez tous les moments de l’interview de l’écrivain Cheick Oumar Kanté dans la section Guests Bloggers de notre Blog !!

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